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Andrea Emo

Lettres à Cristina Campo

Lettres à Cristina Campo

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En 1972, Andrea Emo, cet étrange philosophe qui ne cesse d’écrire sans jamais rien publier, fait une lecture éblouie des Impardonnables de Cristina Campo. Sans la connaître, il adresse aussitôt une lettre de gratitude à son auteur.

Ces deux esprits singuliers perçoivent immédiatement ce que Charles Du Bos eût appelé « le sourd murmure de leur identité ». Une amitié profonde est née : Andrea Emo lui confie, de cette première lettre à la dernière, quelques mois avant la mort de Cristina Campo, l’expression souveraine et libre de sa propre pensée. Le lecteur y trouvera, outre maintes descriptions amusées des choses comme elles vont et comme elles ne vont pas, le condensé d’une philosophie inquiète et subtile, à la fois amoureuse du monde et hostile à ce que les deux amis croient le voir devenir.

Extrait

Je vous remercie de votre appel d’hier ; j’ai été très sensible au charme*, c’est-à-dire, étymologiquement, au carmen de votre conversation qui, comme vos textes, fait entrer d’admirables mondes dans la vie quotidienne, la victime consentante de sa propre simplicité et plus encore de ses propres évidences ; les évidences sont un mauvais sortilège qui nous emprisonne dans le décor du monde et sans que nous nous en rendions compte, comme la force de gravité nous lie à la terre. La Science proprement dite est née d’un renoncement à connaître, à connaître le quid des choses et de la vie, en s’avouant n’être apte qu’au comment, au quomodo. De ce pacte avec le diable de l’évidence et de la simplicité est né l’univers de la science, mais nos descendants devront payer à échéance les lettres de change de Méphistophélès, et nous, nous avons déjà commencé à entrevoir ses cornes en tout ce qui arrive — la terrible réduction à l’identique en quoi la science consiste ne laissera plus respirer la vie. Les philosophes et les artistes, qui se ressemblent souvent, devraient s’employer non pas à résoudre les énigmes, les mystères et les problèmes, car le mystère, le problème est détruit par la solution, qui précisément dissout, mais au contraire à tenter par tous les moyens de sauver les mystères, de les protéger en en montrant l’inexpugnabilité, l’inaccessibilité, et même en les créant par de profondes évocations. Comme un ermite dans le désert, ils devraient exorciser et dissiper les tentations des évidences ; sous le soleil implacable des certitudes, comme celui lancé dans l’espace par les insupportables idéologies modernes, ils devraient cultiver des ombres amies dans les dernières oasis du doute. De même qu’il existe des Instituts chargés de sauver les dernières œuvres d’art, et qui fonctionnent en Italie avec un grand succès…, le syndicat des intellectuels (supposés tout différents de ceux d’aujourd’hui) devrait sauver spirituellement quelques mystères habitant nos au-delà de l’insulte profane du vulgaire. Les mystères sont eux aussi des œuvres d’art longuement élaborées sur des trames millénaires, comme votre inoubliable tapis, et par les vertus de flûtes sylvaines. Je pense, pour conclure, que même la science, tragique incarnation du Faust goethéen, pourra se sauver du diable créancier, si elle parvient par ses formules à recréer l’Inconnaissable ; ce serait sublime si nous pouvions créer l’Inconnaissable au moyen de la connaissance, la différence absolue, l’Autre, au moyen des équations.

Informations techniques

Un volume broché de 112 pages, de format 13,3 x 20 cm, imprimé sur Arena Ivory Smooth 80 g par les Grafiche Veneziane

Collection

Lettres d'Italie

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